klaqaus

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[–] klaqaus@sh.itjust.works 7 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

Une piste de réponse dans cette tribune : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/03/les-cours-criminelles-departementales-contribuent-a-la-perpetuer-l-invisibilisation-des-crimes-de-viol_6180366_3232.html

Depuis le 1er janvier 2023, les viols sont symboliquement devenus des crimes de « seconde classe », réduisant à néant le long combat de Gisèle Halimi pour qu’ils soient jugés comme des crimes à part entière, mais aussi celui de toutes celles et ceux qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles.

En effet, face au manque de moyens alloués à la justice et au nombre d’affaires de viol devant être jugées, la seule réponse du gouvernement a été l’instauration des cours criminelles départementales, expérimentées dans plusieurs départements depuis 2019. Or ces cours ne permettent pas une prise en compte adaptée, par la justice, du problème public des violences sexistes et sexuelles.

Pour rappel, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, on compte en France 94 000 femmes majeures se déclarant victimes de viol ou de tentative de viol par an, soit une toutes les six minutes. Malgré les nombreuses voix qui se sont élevées contre cette réforme et les carences constatées dans le rapport rendu par le comité d’évaluation en octobre 2022, les cours criminelles départementales sont à présent les seules juridictions chargées de juger toute personne majeure accusée d’un crime puni jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle, hors récidive.

En pratique, les affaires jugées par ces cours sont, dans près de 90 % des cas, des affaires de viol. Présentées par le gouvernement comme une alternative permettant d’éviter la correctionnalisation des viols – pratique consistant à disqualifier le viol pour le juger comme un délit d’agression sexuelle devant un tribunal correctionnel sans jurés, dans une optique de gain de temps –, les cours criminelles départementales, en écartant le jury populaire, s’apparentent pourtant à une forme de correctionnalisation. Cette réforme est un non-sens démocratique

Le viol n’est en effet plus jugé par une cour d’assises comme les autres crimes. Poursuivant une logique gestionnaire, le gouvernement a souhaité faire des économies en supprimant le jury populaire, les cours criminelles étant exclusivement composées de magistrates et de magistrats professionnels. Ces prétendues réductions de coût se font au détriment des citoyennes et des citoyens, de la démocratie et du traitement judiciaire des crimes de viol.

Nous, citoyennes et citoyens engagés, femmes et hommes appartenant à des associations et collectifs féministes, à des organisations de la société civile, aux professions du droit et du monde judiciaire, considérons que cette réforme est un non-sens démocratique ainsi qu’un recul des droits des femmes et des minorités de genre et nous dénonçons l’instauration de ces cours criminelles.

Parce que la « densité émotionnelle des récits redonne un contenu aux mots du droit », Denis Salas a choisi, pour raconter le déni séculaire du viol, d’adopter une approche « narrative ». De Maupassant à Nancy Huston en passant par Montherlant ou J. M. Coetzee, le magistrat et essayiste puise dans la littérature, mais aussi dans les témoignages et dans les comptes rendus judiciaires, des récits qui permettent de mesurer la « brutalité immémoriale » des hommes envers les femmes. Cinq ans après #metoo, il décrypte avec beaucoup de justesse et de subtilité la manière dont la révolte contre le viol a engendré une nouvelle sensibilité collective « centrée sur la femme, son histoire, son corps et ses droits ».

Denis Salas n’en oublie pas pour autant qu’il est, depuis des décennies, un fin analyste de la justice pénale française – il préside aux destinées des Cahiers de la justice et de l’Association française pour l’histoire de la justice. Son approche narrative se double donc d’une analyse approfondie et documentée des silences, des impasses mais aussi des vertus des instances judiciaires. Le monde du droit, montre-t-il dans cet ouvrage passionnant, est capable de « faire progresser la cause des sujets sans droits » : quand les récits des victimes « déplacent les normes du langage, contestent les intérêts dominants, bousculent les hiérarchies en place », la justice devient un « point d’appui solide pour reprendre pied dans le monde ».

D’un point de vue pratique, les objectifs des cours criminelles départementales n’ont pas été atteints. Selon le dernier rapport d’évaluation, ni la correctionnalisation, ni le temps d’audiencement, ni la durée des audiences n’ont été significativement réduits. En tout état de cause, l’objectif de réduction du temps d’audience poursuivi par la réforme est un retour en arrière dans l’attention portée aux femmes victimes et à leur traumatisme. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Justice : la généralisation des cours criminelles départementales contestée

En outre, le taux d’appel des décisions des cours criminelles témoigne de l’insatisfaction des justiciables sur la manière dont les audiences s’y déroulent : 23 % pour les affaires de viol jugées par les cours criminelles départementales, contre 17 % devant les cours d’assises. D’un point de vue social et psychologique, elles empêchent les victimes de viol de faire entendre leur voix largement. Reléguer le crime de viol au second plan

L’espace de parole donné aux victimes est d’autant plus important qu’il s’agit d’un crime caractérisé par la loi du silence qui empêche encore trop de victimes de demander justice : en 2016, seulement 12 % des victimes d’agressions sexuelles portaient plainte, selon les chiffres relayés par le gouvernement. Le Monde Ateliers Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences Découvrir

D’un point de vue démocratique, ces cours criminelles soustraient le crime de viol à la connaissance des jurys citoyens amenés à siéger en cour d’assises. Les citoyennes et citoyens sont désormais mis à l’écart de l’œuvre de justice en matière de violences sexuelles. Cela prive donc une partie de la population d’une sensibilisation à la réalité de ces crimes et de la possibilité de participer à la manière dont ils sont jugés. Cela contribue à la perpétuation de l’invisibilisation des crimes de viol. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Laurence Vichnievsky : « La création d’une juridiction spéciale contre les violences intrafamiliales est une fausse bonne idée »

D’un point de vue juridique et politique, faire juger les viols par une juridiction criminelle distincte revient à les disqualifier et ne résout pas le problème éminemment éthique et juridique de la correctionnalisation. Faire juger les crimes sexuels par une juridiction compétente pour connaître des crimes dits « les moins graves » minimise le crime de viol dans l’esprit du plus grand nombre. Elle relègue le crime de viol au second plan par rapport aux autres crimes. Préserver le jury populaire et sauver les assises

Alors que le projet de loi de programmation et d’orientation de la justice 2023-2027 est actuellement débattu à l’Assemblée après avoir été voté par le Sénat, nous appelons les députés à voter les amendements à l’article 3 qui visent à supprimer les cours criminelles départementales, préserver le jury populaire et sauver les assises ! Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « La généralisation des cours criminelles paraît relever de l’absurde »

Nous demandons aux pouvoirs publics de prendre la mesure de la gravité et de la singularité du crime de viol. Nous demandons une augmentation du budget alloué à la justice et au programme de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles et pour que les procès qui en découlent se déroulent dans le respect des droits des victimes et des principes fondamentaux de notre République.

Nous demandons le recrutement de personnels judiciaires supplémentaires pour le jugement des violences sexistes et sexuelles. Le viol doit faire l’objet de réformes à la mesure de la gravité et de l’ampleur du problème public qu’il représente. Voter pour qu’il ne devienne pas un crime de « seconde classe » est indispensable.

[–] klaqaus@sh.itjust.works 3 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

Une balance ok, tu fais des pâtisseries et t'en as marre de galérer avec le verre doseur mais là plusieurs balances.. obligé c'est pour vérifier les achats en gros pour les soirées de Monsieur l'Ambassadeur.

Tu les imagines en mode mégateuf décadente, les premiers à critiquer la chute de la Rome antique alors qu'ils en sont les ardenteurs et modernes promoteurs, des bouteilles d'alcool partout dans les hôtels de Bruxelles, le nez poudré en train de hurler des conneries des lunettes VR sur le nez en rigolant avec des agents de lobbys russes.

La représentation nationale à l'oeuvre M'sieurs Dames. Et ils ont fini numéro uno les des dernières législatives européennes.

[–] klaqaus@sh.itjust.works 3 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

Il paraît, mais c'est à confirmer selon d'obscures sources, que les militants de longue date du RN souffrent d'anxiété raciale et de troubles dissociatifs. A force d'avoir une représentation fantasmée du réel, ils peinent à dissocier ce dernier de leur fantasme et basculent dans une zone étrange où il peut leur arriver de ne plus toucher sol (cf. réaction de Marine Le Pen lors du débat du second tour ils sont là, dans les campagnes...) et de partir en crise.

Le casque VR permet alors de produire littéralement un shoot de fantasme type cathartique avec des déambulations immersives dans une France type Marcel Pagnol matinée de scènes trash reconstituant des épisodes de la seconde guerre mondiale. Le spectateur revenant après le shoot sur terre avec une nouvelle distinction réel/fantasme afin de procéder à leur programmatique raciste crédible politiquement et de ne plus dissocier et être crédibles.

[–] klaqaus@sh.itjust.works 6 points 1 month ago (2 children)

Or, entre 2009 et 2018, Jean-Marie Le Pen a été indûment remboursé, dans le cadre de cette « ligne budgétaire 400 », de dépenses de bulletins d’informations, stylos, cartes de visite, cravates, parapluie, balances de cuisine, horloges de bureau, bracelets connectés, lunettes de réalité virtuelle ou encore de 129 bouteilles de vin, selon un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf).

À ceux qui se demandent pourquoi des balances de cuisine, pour détailler les kilos de shit et de coke bien sûr.

[–] klaqaus@sh.itjust.works 1 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

Et récemment une grève importante au sein de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) : https://www.ash.tm.fr/greve-de-la-pjj-les-raisons-de-la-colere-953186.php

 

Le CESE, c’est quoi ? C’est le Conseil économique, social et environnemental, et avec l’Assemblée Nationale et le Sénat, c’est la troisième Assemblée citée dans la Constitution. Moins connue que les deux autres, son rôle est pourtant très important puisqu’elle assure le lien entre les pouvoirs publics et nous, les citoyens. Historiquement, la mission du CESE est de conseiller le Gouvernement et le Parlement dans l’élaboration des lois et des politiques publiques. Plus récemment, c’est aussi devenu la chambre de la participation citoyenne. En résumé, le CESE c’est le trait d’union entre les pouvoir publics et la société civile

[–] klaqaus@sh.itjust.works 4 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

Ça dépend de la raison de la richesse et de sa constitution je pense. Y'a toujours des moyens de gruger mais y'a toujours la possibilité d'être honnête, la vertue c'est pas un truc qui se négocie.

Et je ne pense pas que ce député soit un amateur de licornes, en revanche je pense que la DFIP est dotée de moyens permettant de dresser des licornes.

 

C’est comme la saison 6 d’une mauvaise série sur Netflix, dont le scénariste serait désespérément en panne d’inspiration. C’est le retour du vieux refrain de l’austérité. Evidemment, les gouvernements évitent d’utiliser ce mot, trop souvent synonyme de souffrance sociale. Mais la rengaine de la dette s’installe et les éditorialistes reprennent le lexique habituel : les Français vont devoir se serrer la ceinture, nous sommes trop dépensiers, nous vivons au-dessus de nos moyens…

Examinons un peu les fondements de ce discours. D’abord, il y a la fameuse dette, qui atteint, en 2024, la somme vertigineuse de 3 154 milliards d’euros, soit 110 % du PIB. Si cette dette est trop élevée, il existe pourtant une solution : il suffit d’augmenter les prélèvements et les cotisations sociales pour répondre à nos besoins collectifs.

Mais les promoteurs du libéralisme économique sortent alors leur joker. Ce n’est pas possible, la France croule déjà sous les prélèvements obligatoires (51,5 % du PIB), ce qui ferait fuir les riches et limiterait les investisseurs. Donc, l’unique solution, vantée à longueur d’antenne, est de baisser les dépenses publiques (l’école ou l’hôpital) et de diminuer les droits des salariés, des chômeurs et des retraités.

Dépense publique et services rendus Tout d’abord, nous avons une population vieillissante, des salariés de la fonction publique mal payés et des enjeux écologiques gigantesques. Cela pourrait justifier une augmentation de nos dépenses publiques. Or, ces dépenses sont passées de 56,5 % du PIB en 1993 à 57 % en 2023. En réalité, la richesse que nous allouons aux dépenses publiques n’augmente presque pas depuis dix ans. Avec Emmanuel Macron, les recettes ont en revanche fortement chuté, passant de 54,3 % du PIB à 51,5 % du PIB.

Autre sujet, la France présente une dépense publique effectivement plus élevée que la moyenne européenne, qui s’établit à 50 % du PIB. Mais il faut rapporter la dépense publique aux services rendus. Par exemple, en France, un patient atteint par une maladie de longue durée est pris médicalement en charge à 100 % et son revenu – au moins au début – est maintenu. Cette dépense est incluse dans « la dépense publique ». Ce n’est pas le cas dans tous les pays.

Autre exemple, un contribuable anglais paye moins d’impôts, mais doit économiser beaucoup d’argent pour que ses enfants puissent suivre des études supérieures à l’université, dont les frais d’inscription oscillent entre 4 000 et 10 000 euros contre 175 euros en France. Ce que le contribuable étranger ne paye pas en impôts, souvent il le paye en dette ou en assurances. Et il le paye parfois plus cher. En France, les dépenses de santé avoisinent les 5 000 euros par habitant contre 6 000 euros en Allemagne et près de 10 600 euros aux Etats-Unis…

En réalité, le chantage à la dette permet surtout de diminuer les dépenses publiques et de déléguer les services rendus par le service public à la sphère privée : fonds de pension pour les retraites, cliniques, écoles ou crèches privées pour la santé et l’éducation. Ce mécanisme permet aux plus riches et aux actionnaires de continuer à s’enrichir. Les 10 % plus riches possèdent aujourd’hui 54 % du patrimoine des Français contre 41 % en 2010.

Durant la présidence d’Emmanuel Macron, les dividendes versés aux actionnaires du CAC40 sont passés de 42,7 milliards à 67,8 milliards d’euros. Enfin, les dépenses publiques en France ne découragent pas les investisseurs étrangers. C’est faux. Selon le rapport sur le commerce et le développement de 2023, la France est au contraire l’une des destinations les plus attractives au monde pour les investisseurs étrangers. Depuis 2019, c’est même la première destination pour les capitaux étrangers en Europe devant la Grande-Bretagne et l’Allemagne.

La dette publique française touche un nouveau sommet Une augmentation des prélèvements obligatoires et des cotisations sociales est possible. Elle permettrait de stabiliser la dette et d’investir massivement dans la planification écologique et les services publics. Pour cela, il est souhaitable de revenir sur la politique d’exonération de cotisations sociales pour assurer une retraite à 60 ans et améliorer l’état de l’hôpital. Les taux effectifs de prélèvement à la charge des employeurs pour une rémunération équivalente au smic sont passés de 42,6 % en 1991 à 6,9 % aujourd’hui !

La vie écologiquement insoutenable des riches Enfin, comme le préconise l’économiste Thomas Piketty, il faut retrouver des taux marginaux de 80 % sur les rémunérations annuelles – en y incluant les revenus du capital – dépassant le million d’euros. Pour conclure, ce sur quoi je voudrais attirer l’attention est que cette taxation des plus riches est aussi nécessaire du point de vue écologique.

En effet, les plus riches ont un mode de vie écologiquement insoutenable. Par exemple, les revenus sont le premier facteur de variation de l’empreinte carbone totale. Elle est de 7 tonnes de CO2 par an pour les ménages ayant un revenu mensuel inférieur à 1 500 euros et dépasse les 10 tonnes de CO2 pour ceux ayant un revenu supérieur à 6 500 euros. Une taxation plus forte des plus riches les contraindrait à changer leur mode de vie : renouveler moins fréquemment leurs ordinateurs et leurs téléphones portables, renoncer aux yachts et aux jets privés, limiter leur nombre de piscines, choisir des voitures moins grosses, moins hautes, moins puissantes, et donc moins émettrices de CO2.

A l’autre extrémité du champ social, une meilleure répartition des richesses permettrait aux 10 % les plus pauvres de mieux se nourrir et donc de consommer une alimentation produite plus localement et moins transformée. Une meilleure alimentation, un environnement plus sain, c’est, à terme, moins de dépenses de santé et donc moins de dettes… Et si la solution à la dette écologique et financière était l’austérité et la sobriété pour les plus riches ?

Hendrik Davi (député des Bouches-du-Rhône, membre de la Gauche écosocialiste

[–] klaqaus@sh.itjust.works 1 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

On se souviendra aussi de cette start up qui derrière une VSA mystérieuse faisait en fait taffer des gens à Madagascar : https://www.francetvinfo.fr/internet/intelligence-artificielle/video-a-madagascar-les-petites-mains-bien-reelles-de-l-intelligence-artificielle_6515243.html

[–] klaqaus@sh.itjust.works 6 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

En gros tu vas avoir des fachos en France qui vont foutre la merde en France et se réfugier via ce type de visa en Russie.

Genre un Papacito qui coordonnera ses délires et aura un abri facilité, quid alors des procédures d'extradition dans ce contexte.

Édit: le seul avantage que je vois sera que tous les ressortissants français ayant ce visa seront facilement identifiables par les services de renseignements. Ça mâche leur travail.

[–] klaqaus@sh.itjust.works 9 points 1 month ago* (last edited 1 month ago) (2 children)

TLDR; Nous avons donc la Russie qui propose un droit d'asile à l'extrême-droite européene.

Si quelqu'un est calé en matière de droit international pour filer une source sur les conventions d'extradition entre la France et la Russie, ça pourrait être intéressant. En matière de volonté de déstabilisation des régimes démocratiques, ça se met bien.

[–] klaqaus@sh.itjust.works 3 points 1 month ago* (last edited 1 month ago) (1 children)

Le côté infirmier ça me fait marrer car si l'Etat voulait agir il renforcerait les compétences des infirmiers en pratiques avancées (et aussi asalée) qui sont en mesure de décharger les médecins d'une grosse partie de leur patientèle.

Et c'est d'ailleurs ça le problème, l'ordre des médecins et leur puissance parlementaire freine ce type d'évolutions de répartitions des compétences de la même manière que la mise en oeuvre du numerus clausus a contribué à l'état démographique des ressources médicales actuelles.

Le passé ne se répète pas : il bégaie indéfiniment.

 

Imaginons l’un de nos concitoyens, de retour en France après un long périple de cinq mois sans connexion à Internet. Il aurait échappé aux élections européennes et à la dissolution de l’Assemblée nationale, aux législatives qui ont vu naître le Nouveau front populaire et « l’arc républicain » contre le Rassemblement national (RN). Il n’aurait pas vécu la trêve des JO, ni les 51 jours sans gouvernement… Et le voilà planté devant son poste de télévision en ce 1er octobre 2024 à écouter le discours de politique générale de Michel Barnier.

Il lui faudrait être sacrément devin pour en déduire les épisodes précédents tant la politique du Premier ministre est loin d’une cohabitation avec un chef de l’Etat dans l’opposition. Après Edouard Philippe, Jean Castex, Elisabeth Borne et Gabriel Attal, Michel Barnier s’inscrit pleinement dans la doctrine libérale d’Emmanuel Macron. Avec une teinte plus conservatrice car il doit également compter avec le RN de Marine Le Pen qui décidera ou non de la survie de ce gouvernement.

La situation inédite de crise démocratique et économique dont il hérite le pousse toutefois à se démarquer de ses prédécesseurs. Alternatives Economiques revient sur dix annonces qui vont de la franche rupture à la légère inflexion par rapport à la politique menée jusqu’ici par le chef de l’Etat.

1/ Augmenter enfin les impôts

La rumeur courait, le Premier ministre l’a confirmée : une partie de l’effort de maîtrise des comptes publics des prochaines années passera par des hausses d’impôts. Cela représente un changement de braquet important par rapport aux sept années de macronisme profondément antifiscales.

Michel Barnier a d’emblée relativisé la situation de la dette publique française : « Si l’on n’y prend pas garde, elle mettra notre pays au bord du précipice. » Le futur est de rigueur, donc la France n’est pas aujourd’hui en faillite, et ne se rapprochera du précipice que si l’on ne fait rien.

Difficile d’être en désaccord avec ce constat. Oui, le nouveau gouvernement hérite d’une situation fragilisée. Selon les dernières données de l’Insee, la dette publique française s’établissait à la fin juin dernier à 3 228,4 milliards d’euros, soit 112 % du PIB. Avec un déficit public désormais prévu par Bercy autour de 6 % cette année et autant l’an prochain, notre dette va continuer à progresser. Après les 5,5 % de l’an dernier, « si l’on n’y prend pas garde » la pente de la dette peut devenir dangereuse. A lire Alternatives Economiques n°451 - 10/2024

Mais, oui encore, la situation reste pour l’instant gérable. Les créanciers demandent toujours entre 2,5 et 3 fois plus de dette française qu’il n’y a d’offre. Les acheteurs asiatiques sont en recul, mais les banques et les compagnies d’assurance ont pris le relais. Le Premier ministre a souligné le poids de la charge d’intérêt de la dette (51 milliards) mais il reste autour de 1,8 % du PIB, largement en dessous de sa moyenne historique (2,4 %).

Afin de redresser la situation, Michel Barnier a donné plusieurs indications fortes. D’abord, l’objectif est de ramener le déficit à 5 % du PIB l’an prochain, donc gagner 1 point de PIB, 30 milliards d’euros en statique, et 30 milliards de plus pour couper la tendance actuelle à la hausse, soit 60 milliards au total précise-t-on du côté de Bercy. Le gouvernement va, deuxième annonce, se donner jusqu’à 2029 pour tenter de revenir vers un déficit à 3 % du PIB, soit cinq ans à négocier avec la Commission européenne.

Pour autant, le chemin sera difficile et il impliquera un effort portant aux deux tiers sur les dépenses (l’Etat pour 20 milliards, le reste sur la sécurité sociale et les collectivités locales) et un tiers sur les recettes. C’est le retour des hausses d’impôts. Pour qui ? Les grandes et très grandes entreprises qui font des profits importants seront mises à contribution ainsi que les Français les plus fortunés avec une contribution exceptionnelle, en même temps que sera menée la lutte contre la fraude fiscale et sociale.

Bruno Le Maire nous a laissés dans une situation budgétaire telle que la France ne peut plus échapper à une cure d’austérité qui démarre en 2025 et se poursuivra ensuite. Le gouvernement va nous l’administrer à dose régulière mais il faudra attendre la présentation du budget la semaine prochaine pour savoir précisément quel goût aura la potion et dans quelle mesure la justice sociale en sera l’un des ingrédients.

Christian Chavagneux 2/ Donner un (léger) coup de pouce au Smic

Enfin ! Pour la première fois depuis douze ans, le Smic va progresser plus vite que prévu sur décision d’un gouvernement. Michel Barnier a en effet annoncé que ce salaire minimum interprofessionnel de croissance sera revalorisé de 2 % dès le 1er novembre.

Certes, ce mini-coup de pouce a des airs d’« os à journalistes » puisque cette annonce a toutes les chances d’être reprise par tous les médias – Alternatives Economiques n’y échappe pas – alors que son importance est plutôt marginale. En effet, cette hausse n’est qu’une anticipation d’une revalorisation qui aurait eu lieu mécaniquement le 1er janvier 2025.

Mais, d’une part, pour celles et ceux qui comptent les centimes à la fin du mois, ces deux mois de gagnés sont toujours bons à prendre. Et, surtout, cette hausse remet en cause la doctrine d’Emmanuel Macron sur le sujet. Jusque-là, le Président avait suivi à la lettre les conseils du groupe d’experts sur le Smic, qui, année après année, conseille aux gouvernements successifs de ne pas donner de coup de pouce au salaire minimum au nom de la compétitivité de l’économie française.

Ainsi, les seize revalorisations qui ont eu lieu depuis juillet 2012 étaient toutes liées aux augmentations automatiques qui sont prévues par la loi pour tenir compte de l’inflation. En creux, cette anticipation de la revalorisation est un aveu implicite de l’insuffisance du niveau du Smic pour vivre dignement.

Les autres annonces sur les revenus s’inscrivent dans la continuité de la politique macroniste. Ainsi, le gouvernement compte inciter les employeurs à utiliser encore davantage les dispositifs d’épargne salariale pour faire un geste envers leurs salariés. Un choix regrettable car les défauts de ces outils sont nombreux : les primes ponctuelles qui les caractérisent sont souvent versées au détriment de la hausse durable des salaires, elles sont très inégalitaires et, surtout, elles assèchent les recettes de la Sécurité sociale car elles sont largement exonérées de cotisations sociales.

Enfin, le gouvernement promet de revoir le système des allègements de charges sur les bas salaires qui conduit, selon l’exécutif, à une « smicardisation » du pays. Un chantier qui sera sensible car le patronat tient à ces aides fiscales qui se chiffrent désormais à près de 80 milliards d’euros par an.

Vincent Grimault 3/ Rouvrir le dialogue sur un aménagement des retraites

Pour le précédent gouvernement, la réforme des retraites était un dossier clos. Michel Barnier l’a rouvert. « Il faudrait reprendre le dialogue », a-t-il déclaré. Il faut dire que le sujet avait été central lors des législatives. Le Nouveau front populaire avait fait de l’abrogation de la réforme l’une des priorités.

Ce 1er octobre, Michel Barnier est loin d’avoir annoncé un retour en arrière. Mais « certaines limites de la loi qui a été votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées, a-t-il reconnu. Les questions des retraites progressives, de l’usure professionnelle, de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir. » Sur ces sujets, l’exécutif a invité les partenaires sociaux à « réfléchir à des aménagements raisonnables et justes de la loi ».

Les organisations syndicales, que Michel Barnier a rencontrées avant son discours, ont établi une liste de mesures pour améliorer la réforme. La première d’entre elles, revenir sur l’âge légal de départ en retraite, porté à 64 ans en 2023, a peu de chance d’être retenue. Même s’il ne l’a pas dit stricto sensu, Michel Barnier a donné le ton en fixant un cadre : « Il est impératif de préserver l’équilibre durable de notre système de retraites par répartition. » Au vu de ses propos sur la réduction des dépenses, on imagine mal le chef du gouvernement faire le choix d’augmenter les recettes du système de retraites.

Les discussions avec les partenaires sociaux qui doivent avoir lieu dans les prochaines semaines promettent d’être vives. D’autant que le Premier ministre les a également invités à négocier sur l’emploi des seniors et sur l’assurance chômage.

Audrey Fisné-Koch 4/ En finir avec le soutien inconditionnel à l’apprentissage

« Nous voulons continuer de soutenir l’apprentissage, mais en évitant les effets d’aubaine », a déclaré le Premier ministre. Et c’est un changement notable car depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a fait de l’apprentissage un totem. N’hésitant pas à y consacrer un « pognon de dingue » (entre 22 et 25 milliards d’euros pour 2024, d’après le chercheur Bruno Coquet). Tout ça, pour atteindre l’objectif du million d’apprentis.

Cela a certes contribué à faire baisser le taux de chômage (et la productivité, par la même occasion), mais cette politique a aussi créé d’importants effets d’aubaine et a majoritairement profité aux étudiants de niveau Bac+2 à Bac+5. Même son effet sur l’insertion professionnelle est aujourd’hui contesté.

« Nous ne pourrons pas dépenser plus. Il faut dépenser mieux », a donc prévenu Michel Barnier. Reste à savoir s’il mettra bel et bien fin à l’open bar des aides aux entreprises1 et qu’il orientera les dépenses vers des politiques d’emploi efficaces et surtout, plus justes.

A ce propos, le chef du gouvernement a donné quelques pistes en évoquant les dispositifs d’insertion par l’activité économique (IAE), le travail adapté notamment pour les personnes en situation de handicap et les expérimentations telles que les « territoires zéro chômeur ». « Ils donnent des résultats et doivent être encouragés », s’est-il félicité.

La démarche s’inscrirait à contre-courant de la revue de dépenses envoyée à Gabriel Attal avant la dissolution et réalisée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) qui proposaient des coupes dans ces mêmes politiques d’emploi.

Pour le reste, Michel Barnier s’inscrit dans la continuité de la politique de workfare entamée par ses prédécesseurs macronistes. Il a ainsi tenu à confirmer la généralisation de la réforme du RSA, qui conditionne l’allocation à quinze heures d’activité. « Le RSA ne doit pas être uniquement un filet de sécurité. Nous devons en faire un tremplin vers l’insertion, un nouveau contrat social fait du droit d’être aidé et du devoir de chercher, vraiment, un travail. »

A. F.-K. 5/ Reconnaître les Premières lignes

Une « grande loi infirmières infirmiers » pour reconnaître « leur expertise et leurs compétences » et leur donner « un rôle élargi dans la prise en charge des patients », a annoncé Michel Barnier. Et ce, dans le but d’accélérer l’accès aux soins. Cette logique pourrait même être étendue « aux pharmaciens et aux kinésithérapeutes ».

Question : comment ces nouvelles compétences seront-elles valorisées financièrement ? Et quelle durée d’études y sera associée ?

A condition de n’être pas un marché de dupes, cette mesure va plutôt dans le bon sens. Il faudra voir aussi quelle sera son articulation avec le métier d’infirmière de pratique avancée (IPA), chargée elle aussi de soulager le médecin dans le suivi des patients chroniques notamment. Mais le développement de ce nouveau métier achoppe sur une trop faible valorisation financière.

Dans la même veine, le Premier ministre a aussi évoqué un « programme Hippocrate » : les internes français et étrangers s’engageraient à l’issue de leurs études à exercer dans des territoires où l’on manque de médecins. Pour le reste, le locataire de Matignon n’est pas allé jusqu’à vouloir réguler l’installation des médecins, comme le demande un groupe de travail transpartisan.

Il s’est prononcé en faveur de la poursuite de la politique menée pour dégager du temps médical : multiplier les assistants médicaux, les bus médicaux, les regroupements de médecins, la télémédecine, l’intelligence artificielle et le cumul emploi-retraite pour faire revenir au charbon les médecins retraités.

A l’hôpital non plus, rien de nouveau sous le soleil : il s’agit de généraliser le service d’accès aux soins (SAS) qui impose d’appeler le 15 avant de se rendre aux urgences, afin de ne pas les encombrer ; d’organiser la complémentarité entre la ville et l’hôpital, un mantra vague avec lequel tout le monde sera d’accord, et, thème cher à la droite, de mieux organiser la complémentarité entre l’offre publique et l’offre privée.

Le Premier ministre veut aussi « débureaucratiser » en réduisant les formalités pour les médecins, et espère ainsi augmenter de 15 % le temps dédié aux consultations. A l’hôpital, c’est l’intelligence artificielle qui permettra de faire diminuer la paperasse.

Pas d’inflexion notoire sur le dossier santé, mais les mots talisman de sa famille politique et aucune annonce de nouveaux moyens. L’amélioration de l’accès aux services publics est manifestement, pour le Premier ministre, uniquement une question d’efficacité et de meilleure organisation.

Céline Mouzon 6/ Freiner sur l’éolien

Développer les énergies renouvelables, oui, mais il faudra mieux en mesurer les impacts et spécialement ceux des éoliennes. Rares sont les objets industriels dont les effets écologiques et sociaux soient plus documentés et mieux maîtrisés et ce propos du Premier ministre pourrait surtout exprimer une volonté d’en remettre en cause le déploiement, comme le veulent la droite LR et le RN.

Jusqu’ici, la politique suivie par le gouvernement était plus ou moins conforme à l’avis des experts : quelle que soit l’option retenue sur le nucléaire, la décarbonation du système énergétique passe obligatoirement par un déploiement accéléré des installations d’électricité renouvelable de puissance, soit les parcs éoliens terrestres et marins et le solaire au sol. Une remise en cause de cette politique marquerait un tournant majeur et dévastateur.

Au chapitre de l’écologie, le discours de politique générale du nouveau Premier ministre se place dans la continuité des précédents gouvernements. Une ambition affichée : « dire la vérité au Français sur la dette écologique », « ne pas sacrifier l’avenir au présent », etc. Mais sans annonces à la hauteur du sujet.

Sont évoqués pêle-mêle une énième concertation sur l’eau sans objectif précis, un rappel de la vocation productive de l’agriculture et un appel à la « simplification » des normes dans ce domaine. Et bien entendu, aucune réponse sur la manière de dégager de l’ordre de 60 milliards d’euros par an d’investissements privés et publics pour se mettre sur la trajectoire de sortie des fossiles inscrite dans la loi.

Antoine de Ravignan 7/ Logement : remettre en cause l’objectif Zéro artificialisation nette

« Nous devons faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation “zéro artificialisation nette” (ZAN) pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement », a souligné Michel Barnier. Une rupture majeure, alors que depuis 2021, date de son adoption, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron avaient tenu bon sur cet objectif.

Le ZAN fixe essentiellement le principe qu’en 2050, toute nouvelle construction sur de nouvelles terres est interdite, sauf à rendre à la nature une surface équivalente. De quoi, effectivement, remettre en cause les politiques usuelles de construction par étalement urbain, en particulier de pavillons individuels, gourmands en espace. Et inviter à investir d’autres moyens de produire du logement, comme la résorption des logements vacants ou la « densification douce » (construction dans les parcelles végétales des zones pavillonnaires).

Mais la crise profonde de la construction semble avoir eu raison de ces arguments, pourtant cohérents avec les propositions de la convention citoyenne pour le climat et les engagements européens de la France. Le risque, désormais, est que se réveillent les égoïsmes locaux, chacun plaidant sa spécificité pour continuer à artificialiser en attendant que ce soit les autres qui fassent l’effort de sobriété.

Emporté par son élan dérégulateur, le Premier ministre a également annoncé un assouplissement des normes de construction (comme l’avait déjà fait la loi Elan en 2019 concernant l’accessibilité) et de réhabilitation.

Il a par ailleurs présenté comme une mesure de « justice sociale » le principe selon lequel « les bailleurs doivent pouvoir réexaminer régulièrement la situation de leurs locataires afin d’adapter les loyers à leurs ressources », et proposé de « donner plus de pouvoir aux maires dans l’attribution et la priorisation des logements sociaux sur leur territoire ». Deux idées déjà avancées dans le projet de loi Kasbarian (du nom du précédent ministre du Logement), qui avait fait l’unanimité contre lui des acteurs associatifs et du secteur du logement social avant d’être stoppé net par la dissolution.

Xavier Molénat 8/ Mieux exécuter les OQTF

Pas de suppression de l’aide médicale d’Etat, pas de préférence nationale dans l’attribution des prestations sociales, bref, pas de reprise des mesures de la loi immigration censurées par le Conseil constitutionnel en janvier dernier : Michel Barnier n’a pas embrayé sur les idées défendues par son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et le RN.

Une nouveauté cependant : son gouvernement facilitera « la prolongation exceptionnelle des étrangers en situation irrégulière pour mieux exécuter les OQTF [obligations de quitter le territoire français, délivrées à des étrangers en situation irrégulière, NDLR] ». Autrement dit, il veut étendre à plus des 90 jours maximum aujourd’hui prévus par la loi, la durée de la rétention. Cette dérogation est aujourd’hui possible, à 210 jours, pour les seuls individus condamnés pour terrorisme.

L’idée de cette extension vient en fait d’une proposition de loi déposée par la Droite républicaine (ex-LR), qui invoque dans l’exposé des motifs le féminicide de Philippine par un étranger sous OQTF tout juste libéré du centre de rétention. La Droite républicaine propose d’étendre à 135 jours la durée maximale de la rétention, et d’étendre aux étrangers condamnés pour un crime (au lieu d’actes terroristes), la durée de 210 jours.

Problème : en juin 2011, le Conseil constitutionnel avait estimé que la durée de rétention ne pouvait excéder six mois. A voir s’il reviendra sur cette décision.

Tout en prétendant « sortir l’immigration de l’impasse idéologique » et aborder le sujet avec « lucidité et pragmatisme », Michel Barnier se situe dans la droite ligne des précédents gouvernements : il veut accélérer le traitement des demandes d’asile, éloigner plus d’étrangers, maintenir un contrôle aux frontières extérieures de la France « aussi longtemps que nécessaire », alors qu’il s’agit d’une mesure dérogatoire aux accords de Schengen, tout en invoquant – au grand dam de Marine Le Pen – le très répressif Pacte asile et migration adopté au printemps par l’Union européenne.

Il poursuivra aussi la politique menée par le précédent ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui a consisté à conditionner l’octroi de visas à des étrangers à la délivrance de laissez-passer consulaires par leur pays.

C. M. 9/ Sécurité : sus aux jeunes

Michel Barnier a placé en troisième position le chantier de la « sécurité au quotidien ». A suivre le Premier ministre, ce sont surtout les jeunes dont la « violence rend impossible la vie de quartiers entiers » qui pourraient être concernés par les réformes du Code pénal à venir. A commencer par la possibilité de faire juger les mineurs de plus de seize ans en comparution immédiate pour des « actes graves d’atteinte à l’intégrité des personnes », plutôt que par la justice des mineurs, qui a l’habitude de prendre le temps d’examiner les cas qui lui sont soumis.

L’excuse de minorité, qui réduit de moitié le quantum des peines encourues serait aussi revisitée, probablement en reprenant la réflexion de Gabriel Attal qui, en juin dernier, souhaitait inverser l’obligation de motivation par les juges. Plutôt que de motiver dans son jugement la levée de l’excuse, il devrait motiver pourquoi il en fait bénéficier le condamné…

Tout sent l’urgence dans cette partie du discours : urgence à condamner, urgence à exécuter les peines. Plutôt des peines plus courtes, pourvu qu’elles soient rapidement et complètement exécutées par les condamnés. Le Premier ministre n’a pas précisé les moyens d’une telle réforme de la pratique judiciaire : réforme du Code pénal, du Code de procédure, augmentation des moyens des tribunaux et de l’administration pénitentiaire.

Enfin, Michel Barnier compte sur la « méthode des Jeux olympiques » pour rassurer les citoyens. De fait, la présence massive de forces de l’ordre a fait baisser la délinquance sur les sites proches des JO. Mais c’est au prix d’un effort sans précédent de dizaines de milliers de policiers et des gendarmes (tous les congés ayant été refusés pendant cette période), renforcés par la sécurité privée.

Là encore, Michel Barnier rejoint Emmanuel Macron et Gérald Darmanin qui exigeaient de « voir du bleu » dans l’espace public en créant des brigades nouvelles. Encore faudrait-il y mettre des moyens… massifs.

Hervé Nathan 10/ Nouvelle-Calédonie : refroidir la marmite, mais pas trop

Michel Barnier a fait le geste qu’Emmanuel Macron et Gabriel Attal avaient refusé de faire après les émeutes en Nouvelle-Calédonie : tuer le dégel du corps électoral, qui, sous prétexte de respecter l’égalité des citoyens devant le vote, condamnait la communauté kanak à être minoritaire dans son pays. Le projet de loi constitutionnelle adopté par l’Assemblée et le Sénat ne sera donc pas soumis au Congrès.

Une satisfaction pour les partisans de l’indépendance, une claque pour l’ex-majorité macroniste à l’Assemblée et la droite au Sénat, qui avaient porté ce projet. Reste désormais à rechercher « un consensus politique sur l’avenir institutionnel » de la Nouvelle-Calédonie.

Matignon, avec un ministre de l’Outre-mer qui lui est directement rattaché, reprend la main sur le dossier, au détriment du ministère de l’Intérieur. La présidente de l’Assemblée et le président du Sénat sont envoyés aux antipodes pour une « mission de concertation » rapide.

C’est sans doute là, la limite de l’ouverture : on sait qu’en Nouvelle-Calédonie, c’est le temps qu’il ne faut pas compter. Et sur place, les militants attendent surtout le retour de déportation de leurs leaders accusés d’avoir fomenté les troubles.

 

C’est sans surprise que le Premier ministre, Michel Barnier, a annoncé, dans son discours de politique générale du 1er octobre, la généralisation de «la méthode expérimentée pendant les Jeux olympiques et paralympiques». En d’autres termes, la vidéoprotection augmentée par algorithmes, adoptée à titre expérimental et temporaire par la loi du 19 mai 2023, est appelée à être pérennisée, avant même la remise du rapport d’évaluation de l’expérimentation.

Le régime de la «vidéosurveillance», c’est-à-dire l’enregistrement et la transmission d’images de la voie publique aux autorités «aux fins d’assurer la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords» est déjà ancien. Introduite par la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, la vidéosurveillance a été rebaptisée «vidéoprotection» par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 (Loppsi 2), afin de rendre le terme plus positif : le citoyen doit en permanence être protégé, et non surveillé. La logique qui conduit à postuler un besoin toujours plus important de protection n’a, en revanche, jamais été interrogée, de même que l’efficacité concrète de la vidéoprotection sur le terrain reste à démontrer.

Les études sur ce point sont rares et le législateur peu intéressé par leurs conclusions. L’une des preuves est le fait que le rapport d’évaluation de l’expérimentation de la vidéoprotection algorithmique doive être remis au Parlement le 31 décembre 2024, soit trois mois avant la fin de l’expérimentation en mars 2025. Sans même attendre cette remise, le préfet de police, Laurent Nuñez, a déjà affirmé mercredi 25 septembre que le bilan de l’expérimentation était «positif».

Annoncée plusieurs mois avant la remise du rapport d’évaluation, la généralisation de la vidéoprotection augmentée par des systèmes d’intelligence artificielle, dont les bienfaits sont postulés semble-t-il par principe, s’inscrit dans une logique de fuite en avant sécuritaire peu transparente, sans évaluation des conséquences sociales et éthiques de l’adoption de ces technologies.

Il y a pourtant tout lieu d’interroger le dispositif et de prendre le temps du débat public. La vidéoprotection algorithmique, telle qu’elle est expérimentée actuellement en France, n’implique certes pas la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public. Il s’agit, sur autorisation préfectorale et dans le cadre de manifestations sportives ou culturelles, d’identifier automatiquement et de signaler une série de huit «événements» définis par décret du 28 août 2023. Départs de feux, véhicules roulant à contresens ou encore mouvements de foule font partie des «événements» dont la détection automatique paraît de prime abord pertinente, sous réserve qu’elle facilite réellement la réaction des autorités compétentes sur le terrain, ce que seul le rapport d’évaluation de l’expérimentation permettra d’apprécier. D’autres événements définis par le même décret laissent circonspects, à l’instar de la détection automatique de la «densité trop importante de personnes», manifestement définie discrétionnairement par les services préfectoraux, ou encore du non-respect «du sens de circulation commun» par un piéton qui laisse entrevoir une société de la surveillance peu enviable. Corriger les imprécisions et lacunes

Une première nécessité consiste à corriger ces imprécisions, ne serait-ce que par transparence envers les administrés et pour éviter les dérives d’un dispositif qui constituerait, en l’état, une arme terrifiante aux mains d’un gouvernement moins soucieux des libertés fondamentales. Une autre mesure indispensable réside dans l’interdiction inconditionnelle de la reconnaissance faciale, laquelle nous conduit peu à peu au modèle dystopique de la surveillance étatique permanente, que nos sociétés démocratiques doivent être en mesure d’éviter. Il n’y a en effet qu’un pas entre l’identification d’«événements» déterminés et celle des individus sur la base de leurs données biométriques. Sur ce plan, le droit européen souvent invoqué est de peu de secours. Si le Règlement sur l’intelligence artificielle adopté le 13 juin 2024 fait en théorie de la «notation sociale» une ligne rouge, son article 5 permet bien l’utilisation de systèmes d’identification biométrique à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public à des fins répressives, en cas de «menace réelle et prévisible d’attaque terroriste» ou encore en vue de «la localisation ou l’identification d’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale» punissable d’une peine d’au moins quatre ans d’emprisonnement. Autrement dit, le législateur est seul arbitre du choix de société que constitue le déploiement de la vidéoprotection algorithmique, sur lequel il sera difficile de revenir.

Enfin, ce débat doit être l’occasion de remédier aux nombreuses lacunes du régime juridique de la vidéoprotection classique. A titre d’exemple, le fonctionnement comme la composition des Commissions départementales de vidéoprotection, créées dès 1995 et dotées du pouvoir d’annuler l’implantation d’un dispositif illégal depuis la Loppsi 2, sont parfaitement obscurs et doivent être encadrés. La loi devrait par la même occasion prévoir l’institution systématique et dès la première caméra, avec ou sans IA, d’un comité d’éthique de la vidéoprotection – faculté actuellement laissée à la totale discrétion des collectivités. Une composition transparente et un certain nombre de fonctions consultatives obligatoires permettraient, notamment, d’associer de manière systématique les administrés à la politique de sécurité locale.

Ce n’est qu’en évaluant correctement le dispositif actuel, sans présumer de la nécessité de le pérenniser et certainement pas en l’état, que ces trois conditions de la réussite du débat sur la vidéoprotection algorithmique qui s’annonce pourront être remplies.

 

«Le capitalisme est mort. Bienvenue dans le technoféodalisme», annonce Yanis Varoufakis dans le sous-titre de son dernier livre, les Nouveaux Serfs de l’économie (éd. Les liens qui libèrent), traduit en 28 langues. L’économiste grec est de retour à Paris pour le présenter, près de dix ans après avoir été ministre des Finances du gouvernement Tsípras en pleine crise économique et financière. Cette figure de la gauche radicale, qui se définit comme un marxiste libertaire, n’a plus de mandats électoraux en son pays, il a perdu aux dernières législatives grecques et aux européennes. Il continue de porter son regard critique sur la vie politique et économique européenne.

Que pensez-vous de la crise politique que traverse la France, avec la nomination d’un Premier ministre issu d’un parti qui ne compte que 47 députés à l’Assemblée ?

C’est le reflet de l’instabilité de la situation politique française au sein d’une Union européenne dont les règles ne sont plus tenables. Les spécificités de ce jeu d’échecs politique sont très tristes. Emmanuel Macron va entrer dans l’histoire en laissant ouverte la porte au fascisme. Je crains fort que le peuple français ne paie un peu plus le prix que lui.

Vous pensez que l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite est inéluctable ?

Il y a toujours une alternative. Ce que je dis, c’est que Macron contribue à maximiser les chances de Marine Le Pen.

Quel regard portez-vous sur la gauche dans cette crise ?

Je suis comme tous les gens de gauche à travers le monde, très heureux quand les différentes factions de la gauche progressiste se rassemblent, arrêtent de se combattre, et se soutiennent pour être élues. En tant que bloc ayant obtenu le plus grand nombre de députés, il est scandaleux que le Nouveau Front populaire n’ait pas été autorisé à former un gouvernement, ou du moins à essayer d’en former un. Cela dit, et je risque d’en contrarier certains, je suis critique d’un aspect important. J’ai lu le programme, je suis d’accord avec la plupart des points. Mais il ne peut pas être mis en œuvre sans un clash majeur avec l’Union européenne. La gauche se retrouverait dans la même situation que la mienne en Grèce en 2015, à affronter la Banque centrale européenne, la Commission européenne, et même le FMI.

Donc vous dites que ce programme n’était pas une bonne idée ?

Non, pas du tout. Ce que je n’aime pas, c’est le fait que le NFP n’ait pas dit aux Français, ni avant l’élection, ni après, que leur programme impliquait un conflit avec l’UE. Je n’ai pas de doute sur le fait que Mélenchon ira au clash avec l’UE, mais pas les socialistes, ce n’est pas dans leur ADN, pas plus que les verts. Alors que font-ils à signer un programme commun, qui nécessite un conflit qu’ils ne sont pas prêts à avoir ? Je pense que c’est pour cela que, même si le gouvernement Barnier n’est pas du tout apprécié, les Français ne sont pas dans la rue sur les barricades. Ils sentent, même s’ils n’en ont pas nécessairement conscience, que le Nouveau Front populaire est un mariage de convenance sans le degré d’honnêteté que les gens de gauche et les progressistes devraient adopter.

Vous leur en avez parlé ?

Je suis en train de le faire ! Mais le problème est plus grand. La France n’est pas durable dans cette Union européenne. Laissez-moi vous donner un exemple en tant qu’économiste. Chaque mois, le déficit du commerce extérieur de la France se situe entre 6 et 8 milliards d’euros pendant que l’Allemagne a un surplus de 20 à 25 milliards. La France se met elle-même dans un état de dépendance. Dans un de mes précédents livres, j’ai raconté l’histoire de ce matin d’avril 1964, quand Valéry Giscard d’Estaing, ministre des Finances de Charles de Gaulle, s’est envolé à Bonn pour demander au nom du président français une monnaie commune. M. Schmücker, son homologue, lui a demandé s’il avait conscience que cela voulait dire que la France renoncerait à ses droits de souveraineté sur son budget national. Il avait raison. Comment peut-on dire que l’on va faire toutes les choses qui doivent l’être dans ce pays sans entrer en conflit avec un système de règles conçu pour que vous n’ayez pas de pouvoir sur toutes ces choses ?

Ce système aurait pu être changé lors de la renégociation des récentes règles budgétaires européennes…

J’ai eu une discussion avec Emmanuel Macron avant qu’il ne soit président, il m’avait clairement dit que ces règles devaient changer et que cela passerait par une conversation très ferme avec Berlin. Il pensait qu’il fallait que le pays se réforme pour mettre l’Allemagne en confiance, puis agir. Il ne l’a pas fait, il a raté sa chance. Il aurait pu dire dès son arrivée à l’Elysée à Merkel, qui avait une élection à affronter, de mettre dans son manifeste la création de l’union fiscale, faute de quoi il ne travaillerait pas avec elle dans l’UE. Il ne l’a pas fait. Et c’était la fin de Macron. La gauche est en train de reproduire la même erreur. La seule manière pour la gauche de gagner le soutien débordant du public, nécessaire pour changer les choses, est d’être honnête avec lui. Les fascistes le sont. Ils disent : «Donnez-nous le pouvoir et nous expulserons les réfugiés et les noirs, nous serons horribles avec les gays, les lesbiennes et les personnes trans.» Ils portent leur misanthropie en bandoulière, nous avons besoin de porter en bandoulière notre humanisme et nos pensées claires sur ce que nous voulons faire.

Pour revenir au programme économique du NFP, il a été très critiqué par certains de vos pairs, tels qu’Olivier Blanchard, qui fut économiste en chef du FMI de 2008 à 2015, qui l’a jugé «pire que celui du Rassemblement national». Qu’en pensez-vous ?

Cela revient à donner un laissez-passer au Front national. C’est un échec moral et analytique de sa part. Je ne comparerais jamais les deux programmes, je dis seulement à la gauche de ne promettre que des choses qui peuvent être réalisées dans le cadre d’un plan d’action présenté au peuple.

La France fait partie des quelques pays européens qui n’arrivent pas à réduire leur déficit après les chocs successifs du Covid et de l’inflation. Comment l’expliquez-vous ?

L’impact négatif des crises sur la population a été plus faible en France que partout ailleurs. La raison pour cela est que Macron, après la débâcle des gilets jaunes, a eu vraiment peur et a autorisé un déficit plus élevé. C’était une bonne chose, car moins de gens ont souffert. Mais aujourd’hui, face à Bruxelles, soit vous défiez et vous cassez les règles comme la gauche aurait dû le faire, soit vous avez un gouvernement, quel que soit le Premier ministre, qui doit introduire de l’austérité sévère. Ce qui à la fin, fait élire Le Pen.

Couper plus de 40 milliards d’euros dans le prochain budget, comme Michel Barnier l’envisage, est-ce de l’austérité sévère ?

Michel Barnier n’existe pas. C’est un algorithme. Nous l’avons vu pendant les négociations du Brexit, il n’avait pas la moindre idée originale. Il les conduisait comme un comptable algorithmique qui passait en revue une «checklist» donnée par Bruxelles. Il cochait les cases et a enflammé le Brexit. Il est le meilleur exemple de ce qu’il ne faut pas faire en tant qu’être humain en position de pouvoir. Aujourd’hui, on lui a donné une nouvelle check-list consistant à détruire ce qui reste du tissu social en France afin de faire semblant de respecter les règles.

Il parle néanmoins de «justice fiscale»…

Quand les politiques reçoivent des ordres d’en haut pour causer des dommages à la société, ils inventent de délicieuses contradictions. Lorsque les conservateurs ont gagné en 2010 au Royaume-Uni, le ministre des Finances a inventé l’expression de «contraction budgétaire expansionniste». Ne soyez pas surpris si Barnier trouve des manières de déguiser des mesures préjudiciables au plus grand nombre pour le compte d’un petit nombre.

Dans votre livre, vous annoncez la mort du capitalisme, remplacé par le technoféodalisme, mais ce n’est pas tout à fait une bonne nouvelle…

Nous sommes face à une contradiction intéressante, fascinante et très déprimante : comme le capital a été si triomphant, il a muté en une nouvelle forme de capital. Nous avons avancé vers le technoféodalisme, un système qui garantit à un tout petit nombre de personnes détentrices du «capital cloud», les propriétaires des big tech, les cloudalistes, une nouvelle classe de seigneurs féodaux, de faire des choses qu’aucun capitaliste n’avait été à même de faire dans le passé. C’est une terrible nouvelle. Nous, les gens de gauche, sommes venus au monde en espérant être là quand le capitalisme mourra et cédera sa place au socialisme. C’est la raison pour laquelle de nombreuses personnes de gauche n’aiment pas mon livre. Parce que je suis le porteur de mauvaises nouvelles, nouvelles qui ont en quelque sorte été préfigurées par Rosa Luxemburg qui depuis sa cellule de prison, posa la question qui tue : socialisme ou barbarie ? Elle n’a pas dit capitalisme ou socialisme. Cela signifie qu’elle pensait tout à fait possible que le capitalisme prenne fin et que nous n’aboutissions pas au socialisme, mais à la barbarie.

Quelles sont ces choses que font les propriétaires des big tech que ne faisait pas un simple capitaliste ?

Ils ne créent pas des monopoles non, ils font pire, ils remplacent le marché. Amazon n’est pas un marché, Google non plus, ce sont des plateformes de commerce numérique. Ils enchaînent aussi nos esprits : contrairement aux autres formes de capitalisme, ils ne produisent rien, ils modifient nos comportements. Quand Amazon ou Spotify me recommandent un livre ou une chanson, je les aime bien. C’est là que le pouvoir arrive. Ce n’est pas du lavage de cerveau : il m’entraîne à l’entraîner pour me donner des bons conseils pour m’agripper. Quand j’achète quelque chose à un capitaliste, les cloudalistes, prennent un pourcentage de la transaction. Ces mêmes cloudalistes qui ont créé tout cela servent d’intermédiaires à nos discussions à travers Twitter, TikTok, Instagram et les autres. Et ils gagnent toujours plus d’argent et empoisonnent le dialogue démocratique. Et je pourrais continuer comme cela pour expliquer la nouvelle guerre froide entre les Etats-Unis et la Chine, les deux pays où se concentrent les cloudalistes…

Vous dites que ces nouveaux seigneurs ne produisent rien, mais Elon Musk, par exemple, il fabrique des voitures avec Tesla…

Ce qui rend Tesla important, ce n’est pas tant sa voiture que le fait qu’elle soit connectée. Pourquoi Volkswagen est tant en difficulté alors que BYD et Tesla ne le sont pas ? Parce que l’Allemagne n’a pas de plateforme. L’argent qu’Elon Musk va gagner avec Tesla, il ne le tire pas de la voiture, mais de toutes les informations qu’il gère, de la musique que vous écoutez, aux endroits où vous allez, aux personnes à qui vous parlez. Il possède non seulement les données, mais tout le processus, la relation entre la machine et vous-même. Cela a créé une nouvelle forme de capital et un nouveau pouvoir capable de soutirer même auprès des capitalistes conventionnels.

Vous trouvez le capitalisme injuste, inégalitaire et inefficace, quels sont vos adjectifs pour qualifier le technoféodalisme ?

Les mêmes, mais à une magnitude bien plus élevée. Ils ont créé un espace différent en dehors des juridictions, en dehors de tout contrôle du système légal, des services d’imposition, de toute démocratie.

L’Europe, par exemple, a tenté de les encadrer…

A Bruxelles, ils pensent pouvoir remplacer la politique par la régulation. C’est pathétique. C’est comme le roi Canut qui essayait de retenir la marée en lui ordonnant de se retirer. Si nous étions vraiment sérieux, nous pourrions dire par exemple aux big tech qui veulent opérer en Europe qu’elles doivent déposer 20 % de leurs actions dans un fonds d’actions européen, et nous allons organiser des votes et des réunions d’actionnaires en Europe. Nous n’arrivons même pas à mettre fin aux systèmes d’optimisation fiscale irlandais et hollandais.

Quelles sont les solutions, démanteler les Gafam ?

Personne n’a jamais eu l’intention de les démanteler ! Les big tech sont une partie essentielle du système économique et politique américain. Les solutions que je propose sont très ennuyeuses, je vais répéter ce que la gauche marxiste a toujours dit, nous avons besoin de la propriété collective des moyens de production. Pourquoi n’a-t-on pas un service municipal de taxis à Paris, un Airbnb municipal ? Nous aurions tous un mot à dire sur ce que nous voulons de ces algorithmes, qu’ils réduisent les temps d’attente, les embouteillages, les émissions…. L’objectif ne serait pas de maximiser la rente des détenteurs du capital cloud mais de maximiser le bien-être social à Paris. Nous devons aussi socialiser la production d’argent. Ce qui se produit aujourd’hui est un scandale. Nous avons donné, en tant que société, à quelques banquiers privés le droit de monopoliser nos paiements. Quand on paie un café, un petit pourcentage va à la banque. Pourquoi ? Cela ne coûte plus rien ! Il faut créer des communs monétaires.

 

Pendant deux décennies, nous avons laissé les géants du numérique dérouler une partition grâce à laquelle ils nous ont apporté des services qui constituent à bien des égards des prouesses techniques et des sources d’innovations sociales majeures. Mais un passage de relais s’impose désormais. Ces structures ne sont plus capables d’innover pour le bien commun.

Au contraire, leur facteur de nuisance pour nos démocraties, notre culture, notre bien-être est totalement démesuré : fausses informations, ingérences étrangères, contenus haineux, capture de l’attention… Nous devons absolument destituer ces technologies du monopole qu’elles se sont octroyé sur nos propres conversations.

Pour cela, il nous faut sortir du face-à-face entre ces mégafirmes et les Etats qui veulent les policer. Ne cherchons pas à substituer un pouvoir administratif à un pouvoir économique. La solution viendra de l’ouverture et de la décentralisation, qui sont au cœur de la liberté de penser et de communiquer.

Le verrou des grandes firmes C’est pourquoi nous devons renouer avec une exigence bien connue : le pluralisme.

Pluralisme dans les algorithmes d’abord, en permettant aux utilisateurs de paramétrer leurs systèmes de recommandation et de modération, et ainsi de trouver davantage de diversité dans les contenus qui leur sont proposés tout en se prémunissant des contenus nocifs.

Pluralisme des algorithmes ensuite, en permettant à des acteurs tiers de proposer des fonctionnalités complémentaires sur les réseaux sociaux, qui deviendraient ainsi un champ d’innovations à investir, au bénéfice des utilisateurs.

Nombreuses sont les initiatives pour offrir d’autres voies algorithmiques. Mais elles butent sur le verrou des grandes firmes. Permettre le choix implique de construire l’ouverture. Paradoxalement, pour avoir un marché ouvert et libre, nous avons besoin d’une impulsion : celle de la régulation techno-économique. Non seulement nous devons le faire, mais nous pouvons et nous savons le faire.

Ce que nous avons fait hier pour les opérateurs télécoms, nous devons le faire pour les réseaux sociaux et les intelligences artificielles (IA) génératives : nous devons leur imposer des règles d’interopérabilité verticales et horizontales, des mesures tarifaires à l’interconnexion, des règles de non-discrimination, des seuils environnementaux, des obligations d’ouverture et de partage d’informations, des exigences de design éthique et ergonomique, etc. C’est à cette condition que nous pourrons concilier innovation technologique, bien-être et démocratie.

Si les algorithmes trient et ordonnent les contenus, ils sont aussi en train de les créer avec l’IA générative. Penser une nouvelle régulation, c’est aussi veiller à une relation équilibrée entre fournisseurs de contenus et d’applications, d’une part, et fournisseurs de systèmes d’IA générative, d’autre part.

Se faire dévaliser Anticipons un cadre dans lequel il sera possible de procéder aux analyses économiques pertinentes, de déterminer les conditions d’accès proportionnées aux données ou encore d’établir une valorisation juste des contributions à la création de valeur. Nous pensons aux artistes, aux créateurs, aux entreprises, à toutes les initiatives économiques qui risquent de se faire dévaliser, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.

La nouvelle mandature européenne tout comme le nouveau gouvernement français offrent une occasion de penser ce cadre dans le prolongement des premiers jalons déjà posés. Le Parlement européen y a d’ailleurs invité la Commission européenne dans sa résolution du 12 décembre 2023 (point 9). Ce changement est ambitieux mais il est à notre portée, et les acteurs mobilisés en ce sens au sein de la société civile sont nombreux, en France, en Europe et outre-Atlantique.

L’ouverture des réseaux sociaux s’insère dans l’histoire plus large des combats menés depuis deux décennies pour l’ouverture d’Internet et la défense des droits culturels. L’ouverture des réseaux sociaux n’est pas seulement un choix technique ou économique, c’est un impératif démocratique.   C’est pourquoi nous appelons au rassemblement du monde scientifique, des forces économiques, de la société civile, des autorités publiques, pour bâtir ensemble l’architecture de nos conversations, de notre accès à l’information, à la culture, et finalement de nos démocraties..

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Si chers concerts (www.monde-diplomatique.fr)
 

Dans les coulisses des festivals de l’été, c’était le grand sujet de conversation : Ticketmaster, la filiale billetterie du californien Live Nation, l’acteur le plus important du monde du spectacle vivant, est poursuivie par la division antitrust du ministère de la justice américain (1). La multinationale est accusée d’exercer un monopole illégal, entaché de menaces et de pressions, sur le marché des concerts aux États-Unis, au détriment des fans, des artistes, des petits promoteurs et des exploitants de salles. Live Nation contrôle plus de 80 % des ventes de billets outre-Atlantique et en assure l’exclusivité pour ses propres salles et pour les artistes dont elle produit les tournées. L’action en justice fédérale — qui pourrait déboucher sur le démantèlement de Ticketmaster — devrait conduire à un remodelage occidental de l’écosystème du concert et du festival au profit de ses concurrents. D’abord aux États-Unis, mais aussi dans l’Union européenne et en France, son exception culturelle, son maillage territorial unique, ses 7,7 millions de festivaliers (2023) et son économie mixte, largement associative, compris.

L’année dernière, Live Nation, coté à la Bourse de New York, valorisé à 23 milliards de dollars, a produit 50 000 événements musicaux de par le monde devant 145 millions de spectateurs. Il pratique une stratégie verticale d’achats et d’accords à 360 degrés — englobant acquisition de salles, de festivals et de tourneurs, ainsi que la constitution d’une écurie d’artistes. Un « portefeuille » de plus de 3 300 groupes en tournée, 373 salles dans le monde, sans oublier Ticketmaster, sa « machine à cash », aux données clients monétisables, acquise en 2010 : voilà ce qui lui permet de contrôler l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur.

Au début des années 2000, marquées par la crise de la musique enregistrée, est intervenu un mouvement de reconfiguration capitalistique dans une économie jusqu’alors largement marchande et artisanale. Le music business se cherche de nouveaux relais de croissance : ce seront le concert, l’édition et le catalogue d’artistes — à titre d’exemple : le catalogue musical de Queen vient d’être vendu par les ayants droit à Sony pour 1 milliard de livres sterling (1,18 milliard d’euros). Les cachets commencent à s’envoler et stimulent l’intérêt d’investisseurs objectivement porteurs de valeurs éloignées de celles qu’affichent ces rassemblements festifs. C’est le cas du libertarien John C. Malone, qui est, via son groupe Liberty Media, l’actionnaire majoritaire de Live Nation. La société de gestion d’actifs BlackRock et le fonds souverain d’Arabie saoudite sont eux aussi présents dans le capital de la multinationale du spectacle vivant.

En France, sa filiale, opérationnelle depuis 2007, s’est concentrée sur l’organisation de tournées tout en reprenant les rênes du festival Main Square d’Arras, et en créant les déclinaisons françaises du Lollapalooza américain et du I Love Techno belge. C’est peu, comparé aux 1 700 festivals de musiques actuelles recensés en 2023 dans l’Hexagone. « Mais avec leurs catalogues d’artistes, ces géants peuvent, même sans investir dans des festivals, avoir une influence déterminante sur leur programmation, comme par exemple les Eurockéennes (2) », souligne Emmanuel Négrier, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Un point de vue confirmé par M. Florent Sanseigne, cofondateur et directeur du rendez-vous jurassien No Logo, tourné vers le reggae et ses héritages, dont la onzième édition vient une nouvelle fois d’être montée « sans bénévoles ni aucune aide extérieure publique ou privée ». « Mais si l’on veut une pointure, explique-t-il, on est forcés de passer par Live Nation ou par AEG [Anschutz Entertainment Group]… En fait, nous mettons tous des pièces dans la machine, même les plus indépendants et farouchement anti-fonds de pension ! »

Live Nation, en France comme au Royaume-Uni ou en Allemagne, se livre à une compétition acharnée avec AEG, lui aussi californien. Outre ses vingt-cinq festivals, dont Coachella, l’un des plus importants des États-Unis, ce groupe compte un impressionnant ensemble de salles — de l’O2 Arena de Londres au Staples Center de Los Angeles — et une écurie d’artistes en tournée allant des Rolling Stones au rappeur Tyler, The Creator. Mais la concurrence n’empêche pas les arrangements. Si Ticketmaster a assuré la billetterie de la tournée mondiale de l’Américaine Taylor Swift — non sans polémiques, notamment sur les prix des billets —, c’est la filiale française d’AEG qui a organisé ses six récentes représentations françaises. Il est à se demander d’ailleurs si le music business n’aurait pas une forte aptitude aux arrangements dans toutes sortes de domaines. Le patron d’AEG, M. Philip Anschutz, à la tête d’une fortune bâtie dans les ressources fossiles et le rail, est un républicain ultraconservateur « pro-vie » et climato-sceptique. Sous le mandat du socialiste Bertrand Delanoë, sa multinationale a d’abord obtenu un contrat de délégation de service public de la mairie de Paris. Depuis 2013, AEG est le coactionnaire à 43 % du Palais omnisports de Paris-Bercy (POPB), renommé Accor Arena, avec ses vingt mille places. Qu’importe que la chambre régionale des comptes (CRC) reproche à la Ville de Paris d’avoir « abandonné [à AEG] sa prééminence sur la gouvernance » de la salle, « bien que sa participation au capital social reste majoritaire et que son soutien financier aille très au-delà » (3)… AEG, via la société d’économie mixte codétenue avec la Ville de Paris, a pu en 2022 mettre un pied dans l’historique Bataclan, où elle produit des concerts, comme dans le nouvel Adidas Arena, enceinte couverte vouée aux sports et à la culture. Moins surprenant, AEG a su se trouver d’autres alliés, quoique éventuellement concurrents, comme M. Vincent Bolloré ou M. Marc Ladreit de Lacharrière — engagés sur la nouvelle frontière du live et des salles de concert, beaucoup moins taxés que le disque (à peine 9 %, contre 20 %) : l’Olympia et une dizaine de festivals en France et au Royaume-Uni pour le premier, propriétaire de Vivendi Village, filiale du groupe Vivendi ; la salle Pleyel et plusieurs Zénith, entre autres, pour le second, patron de la société de holding Fimalac. AEG codétient aussi Rock en Seine, aux côtés de M. Matthieu Pigasse, président de Combat Media, groupe indépendant, qui compte parmi ses actifs Radio Nova et Les Inrockuptibles. Autant de « synergies » qui se sont mises en place.

Inflation de concerts, un festival sur quatre affichant complet et 85 % annonçant une affluence record : 2023 a été marquée par l’« euphorie retrouvée » (Le Monde,10 février 2024) des professionnels. Largement subventionné, le duo de tête — Les Eurockéennes de Belfort, Les Vieilles Charrues, réunis dans la fédération internationale De Concert ! (vingt-neuf membres) — ne se plaint pas. Mais il s’interroge. Car l’écosystème français est entré dans une crise financière durable qui menace les acteurs de deuxième ligne. Parmi les festivals indépendants adhérents du Syndicat des musiques actuelles (SMA), 43 % ont terminé l’année 2023 déficitaires, plombés par l’inflation des cachets — une augmentation de près de 50 % entre 2015 et 2022 — et la hausse des frais généraux, liée au renforcement de la sécurité et au coût de l’énergie. « Là où il fallait, avant le Covid, une jauge à 95 % [pour être rentable], explique M. Philippe Gautier, secrétaire général du SNAM-CGT (Union nationale des syndicats d’artistes musiciens - Confédération générale du travail), il faut désormais 97 à 99 % . » De quoi aviver l’intérêt des mastodontes du secteur, qui cherchent désormais à s’implanter en dehors de la région parisienne.

Au SMA, on s’inquiète particulièrement du devenir des festivals intermédiaires généralistes, qui peuvent réunir de 30 000 à 50 000 personnes sur trois jours. S’ils pouvaient jadis proposer des affiches internationales, ce n’est plus le cas, confirme M. Stéphane Krasniewski, directeur du Festival Les Suds, à Arles, et vice-président du syndicat. Dorénavant, une tête d’affiche française (Indochine, Orelsan, Aya Nakamura…) peut exiger un cachet de plus de 300 000 euros, et les artistes internationaux franchissent régulièrement le million — 1,5 million d’euros pour Billie Eilish à Rock en Seine en 2023. Dans le même temps, « les subventions publiques — des régions aux métropoles — n’ont pas augmenté, voire ont baissé sous l’effet de l’inflation », poursuit M. Krasniewski. Enfin, dans un contexte où les collectivités locales soutiennent les festivals qui leur paraissent capables de servir leur marketing territorial, « les logiques de subvention tendent à être remplacées par celles des appels à projets, qui garantissent moins d’autonomie et d’indépendance artistique ». Tout en favorisant les propositions clés en main des multinationales.

De 2017 à 2021, le festival marseillais Marsatac, défricheur de musiques urbaines depuis 1999, s’est associé à Live Nation France « pour prendre plus de risques économiques sans que notre programmation soit dénaturée », selon Mme Béatrice Desgranges, sa cofondatrice. En d’autres termes, il s’agissait d’une coproduction. Mais, depuis la sortie du Covid en 2022, l’équipe refait cavalier seul : « Nous ne voulions plus rentrer dans cette course à l’échalote du toujours plus gros, toujours plus grand. » Le festival a changé de site, la jauge a été revue à la baisse — de 21 000 à 15 000 personnes par jour. Mais « 2024 risque de marquer un point de rupture pour de nombreux petits festivals face à la surenchère des gros concerts et événements », s’inquiète Mme Desgranges. Dernier en date, Golden Coast, monté par l’équipe de M. Pigasse à Dijon, qui s’est tenu les 13 et 14 septembre derniers. Ambitionnant de devenir le « Hellfest du rap », le festival a été subventionné à hauteur de 150 000 euros par la métropole présidée par M. François Rebsamen tout en s’appuyant largement sur l’emploi du « pass culture » — alloué par l’État aux 15-18 ans — pour vendre ses propres « pass 2 jours » à 139 euros.

Entre 2019 et 2022, le Stade de France, 80 000 places, a doublé le nombre de ses représentations. Pendant ce temps, les salles de moins de 1 000 places, la plus grosse partie du parc français, ont vu leurs recettes fondre de 38 %. Si les grosses tournées — dans des enceintes de plus de 6 000 places — représentaient il y a dix ans 30 % des billets vendus, ce taux a atteint 42 % en 2023. Des billets dont les prix, selon notamment le Centre national de la musique (CNM), ont augmenté en moyenne de 15 % depuis 2019. Et jusqu’à 31 % pour les stars internationales se produisant dans des stades et certains festivals. Flambée similaire côté nourriture, boissons et produits dérivés…

Depuis la fin de la pandémie, le public français privilégie à l’évidence les succès commerciaux à la découverte d’artistes émergents… qui ne peuvent pourtant compter que sur la scène pour survivre. Le festivalier, issu à 60 % des classes supérieures (contre 13 % des classes populaires), participe ainsi de plus en plus à l’instauration d’une monoculture pop marquée par la suprématie des musiques urbaines, et largement relayée par les plates-formes de streaming. Pour Mme Desgranges, un public de jeunes adultes émerge, « plus consumériste que la génération précédente, grâce aux liens tissés avec ses artistes préférés sur les réseaux sociaux et les plates-formes à la Spotify, qui dictent les tendances ». Ce que confirme le journaliste musical Sophian Fanen, collaborateur des Jours : « Nous sommes entrés dans l’économie du fan. On ne va plus écouter un artiste, on va voir un événement. Et cette “expérience” doit être partagée en direct sur les réseaux sociaux. » Or cette monoculture correspond aux propositions des gros opérateurs, dont l’offensive en France se précise, avertit à nouveau Emmanuel Négrier, car « ils anticipent la déréglementation et la baisse des subventions publiques mais aussi la mise en œuvre de traités commerciaux, comme le CETA [Accord économique et commercial global, entre l’Union européenne et le Canada], qui exclut le secteur musical du champ d’application de l’exception culturelle… ».

Quid des artistes ? M. Krasniewski confie : « Il devrait y avoir plus de questionnement quand on signe avec AEG, Combat, Bolloré ou Live Nation. »

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